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Par Rédaction L'Usine Nouvelle - Publié le 20 avril 2009, à 18h00
Michel Bouchardy, partie civile au procès, membre de la CFE-CGC Chimie et rapporteur de la commission Vérité mise en place par l'association AZF Mémoire et solidarité (anciens salariés de l'usine) aimerait voir levé le secret-défense.
La huitième
semaine de procès AZF, si elle a toujours eu pour effet frustrant de
mettre en lumière plusieurs vérités contradictoires sans n'en
privilégier aucune, a néanmoins apporté son lot de certitudes. Première
certitude : l'heure de l'explosion, déterminée par un ingénieur du CEA,
entre 10h17mn55,4s et 10h17mn55,47s. Une donnée d'importance. Deuxième
certitude : les signaux sismiques enregistrés lors de la catastrophe
proviennent d'une seule explosion au sol. Les deux sons entendus par
les Toulousains à proximité de l'usine correspondent à deux
manifestations, l'onde sismique et l'onde acoustique, d'une seule
explosion. Mais cela ne signifie pas qu'il n'y a pas eu une autre
explosion, forcément aérienne.
C'est d'ailleurs ce que se sont employés à montrer deux experts cités par la défense de Total,
vendredi. Un phénomène précurseur, une détonation aérienne a eu lieu
selon leurs calculs 4 secondes avant l'explosion principale.
Le blog de la Dépêche du midi le relate l'audition d'Yves Grenier :
« Me Lèguevaques : "Selon vous, s'est-il produit une ou deux explosions au sol"?
Y. G. : "Une".
Me Lèguevaques : "Et le précurseur?"
Y. G. : "Potentiellement une explosion aérienne, au nord-est d'AZF, ou le passage d'une cible supersonique".
S'agit-il d'un avion, un drone? Le spécialiste ne peut répondre.
A une question de Me Thierry Carrère sur la vitesse de l'objet précurseur, Yves Grenier répond : " 1,6 mach".»
Il relate également celle Peter Naylor :
«Conclusion de l'expert britannique : "La série d'enregistrements
présente des informations cohérentes, l'existence de trois sons, le son
acoustique de l'explosion, le son de l'explosion par la propagation
sismique, et une autre source acoustique. Le sonomètre de Ramonville
présente certains bruits qui ne peuvent s'expliquer par les avions
visibles sur les radars. Une autre source acoustique est définie avec
constance, 4,2s avant l'explosion, à 1770m au nord du cratère d'AZF, et
2175m à l'est, à une altitude comprise entre 500 et 1000mètres".»
Thèse de l'UDMH. De quoi apporter de l'eau au moulin des tenants
de la thèse suivante : celle de l'explosion d'un nuage de gaz (dite
UVCE), issu de la fuite d'un produit bien particulier, l'UDMH,
provenant de la SNPE voisine, qui fabrique du carburant (propergol)
pour la fusée Ariane. Cette première explosion gazeuse, quasi
simultanée, mais répartie dans l'espace, aurait communiqué sufisamment
d'énergie au stock de nitrate d'ammonium pour
qu'il détonne quatre secondes plus tard, dans le hangar. Reste qu'à
part un état des stocks datant de 1993 (!) montrant un différentiel
entre 1993 et 2001 de 10 kg, rien n'étaye cette thèse.
« Le phénomène d'UVCE - Unconfined Vapour Cloud Explosion -
est, comme son nom l'indique, une explosion due à des nappes de gaz
libres hautement inflammables. (...) Cette hypothèse est apparue dans
le numéro de l'hebdomadaire Valeurs Actuelles daté du 21 juillet 2006.
L'article était signé par Frank Hériot et Jean-Christian Tirat. Cette piste a été exposée en détail le 20 janvier 2007 par Jean Bergeal, ingénieur chargé de l'enquête interne d'EDF
concernant AZF - à la retraite en 2007 -, lors d'une réunion
d'information organisée par l'Association Mémoire et Solidarité à
laquelle participait également Jean-Christian Tirat » précise l'ouvrage de Daniel Dissy. Une thèse qui se base sur les témoignages
relatant une odeur forte et persistante caractéristique sur les lieux dès les premières heures du jour.
« L'explosif gazeux n'a pratiquement besoin de rien pour exploser » commente un connaisseur. « Des étincelles il y en a partout, il suffit d'une pour allumer le nuage de gaz.
» De quoi expliquer également l'embrasement de la tour de prilling sur
le site d'AZF, qui aspirait l'air environnant et donc, en cas d'UVCE,
le gaz détonnant en quantité concentrée. Comment expliquer que les
témoins ont entendu une première explosion unique, si le nuage a
détonné un peu partout ? « Une détonation en phase gazeuse se
déplace à 2 km par seconde. Si le nuage gazeux faisait 1 km de long, la
détonation met une demi-seconde à le parcourir : c'est quasi instantané. » répond l'observateur.
Doutes. Ce dont est sûr Michel Bouchardy, partie civile au
procès, membre de la CFE-CGC Chimie et rapporteur de la commission
Vérité mise en place par l'association AZF Mémoire et solidarité, c'est
de l'impossibilité de la thèse officielle (erreur
de manipulation d'un manutentionnaire à l'entrée du hangar 221, côté
Est, ayant provoqué la mise en contact de deux produits incomptabiles
: le DCCNa, chlore de piscine, et le NH3NO4, nitrate d'ammonium
agricole et industriel). Il juge la thèse de l'UVCE plausible, comme
bien d'autres thèses. La vitesse de l'objet précurseur a été évualée
par l'expert Yves Grenier à 1,6 fois la vitesse du son (1,6 mach). « C'est une vitesse supersonique : il peut donc s'agir de la détonation d'un mélange explosif gazeux.» Le chimiste reste toutefois sur ses gardes. « C'est une catastrophe qui a beaucoup d'aspects bizarres.
» Les 8 semaines de procès, et la technique éprouvée des avocats
des prévenus (Total) à systématiquement instiller le doute, semblent
avoir bousculé les convictions de tout le monde. « Il ne faut pas
tirer d'enseignements à la hâte. Je me contente de travailler sur les
faits. Je me méfie des fantasmes et des miens en premier » confie encore Michel Bouchardy.